Entretien Peter Stämpfli

Entretien Peter Stämpfli avec Pascale Le Thorel

Pascale Le Thorel : De nationalité Suisse, vous êtes néanmoins à l’origine d’un projet de création d’un centre d’art contemporain à Sitges, près de Barcelone en Catalogne. Pouvez-vous nous parler de la relation particulière que vous entretenez avec la Catalogne ?

Peter Stämpfli : Je suis venu en Catalogne pour la première fois en 1961, à l’occasion de mon mariage avec une catalane, Anna Maria, qui m’a fait découvrir Sitges. À partir de cette année-là, tous les ans, nous sommes allés en Espagne, en Catalogne. En 1970, après la Biennale de Venise où j’ai représenté la Suisse, nous nous y sommes installés pour de longs séjours et j’ai souvent travaillé dans mon atelier de Sitges.

PLT : Peu à peu, vous vous êtes investi dans la vie de la ville.

PS : En 1977, j’ai commencé à lancer dix ans de Fêtes culturelles à Sitges, auxquelles toute la ville participait. On a sauvé l’ancienne muraille fortifiée du XIVe siècle ; réalisé un film : Sitges 1900 ; lancé une sonde météo à travers laquelle on a souhaité la Paix au monde entier et qui a fini par atterrir en Thaïlande…

PLT : En 1995, vous créez l’Espai Cultural Pere Stämpfli.

PS : Nous avons créé l’Espai Cultural pour faciliter les recherches du groupe d’études de Sitges qui édite des livres sur la ville et sur la Catalogne, qui organise des conférences, réunit des documents photographiques et des textes sur l’histoire du passé et de la culture de Sitges en général et plus largement, de la Catalogne. Lluis Jou i Mirabent, qui est un compagnon de route de l’histoire de notre Fondation, était alors Président du groupe d’études. Des universitaires catalans, des écrivains, des poètes sont intervenus lors de colloques, de conférences… Pour la ville, c’était, je crois, une chose bénéfique, qui a créé du lien, qui a permis le développement sérieux de ces recherches.

PLT : Et puis, l’aventure a continué sous une autre forme…

PS : En 2006, nous avons constitué une Fondation dont l’objet était de créer un musée d’art contemporain à Sitges, qui est située en bord de mer à trente kilomètres au sud de Barcelone. C’est une ville dont le passé s’inscrit dans l’histoire de la Catalogne, notamment parce que Santiago Rusiñol s’y était installé au début du siècle ; Picasso y est d’ailleurs passé, comme nombre d’artistes à cette époque. La maison de Santiago Rusiñol, Cau Ferrat, est un musée historique très visité et conservé admirablement par la municipalité. On connaît également Sitges internationalement pour ses Festivals de théâtre, de cinéma, de musique.

PLT : Quelle est l’ambition, généreuse, de cette Fondation ?

PS : Nous voulions apporter à Sitges, qui a une richesse artistique considérable, l’art international actuel, contemporain qui n’y figure pas. Voilà pourquoi j’ai pris la décision de créer cette Fondation. Il me semblait plus intéressant d’établir un dialogue, de permettre la réalisation d’un projet qui s’ouvre à l’art international de la seconde moitié du XXe siècle que de fixer les lieux en y installant de manière permanente et exclusive mon propre travail. La ville s’est investie de manière décisive dans cette initiative en cédant une ancienne halle dans le quartier historique, qui jouxte les bâtiments de la Fondation. Elle assurera également la prise en charge de la pérennité du musée, avec l’aide de la Generalitat de Catalogne.

PLT : Comment constituez-vous la collection ?

PS : La collection est étroitement liée aux artistes – amis personnels – avec lesquels j’ai exposé et entretenu des relations. Ces artistes, essentiellement de la scène parisienne et européenne, ont bien voulu céder gracieusement une œuvre pour enrichir la collection. En outre, la Fondation est assistée par un Conseil scientifique constitué par Henry-Claude Cousseau, Daniel Giralt-Miracle, LLuis Jou i Mirabent, Pascale Le Thorel et Serge Lemoine, conservateurs et historiens d’art dont l’expérience professionnelle est une garantie réelle et de prestige et de sérieux pour la Fondation.

PLT : Pouvez-vous nous raconter comment vous procédez au choix des œuvres pour la Fondation ?

PS : Le plus souvent, nous allons voir les artistes. Bien évidemment le choix est laissé libre à chacun, mais il faut toutefois penser en fonction du lieu, des espaces d’exposition. Tout ce que je leur dis, c’est de choisir une œuvre des plus représentatives.

PLT : Parlons également de votre femme Anna-Maria, c’est un engagement considérable de sa part également, un accompagnement de tous les instants autour de ce projet ? Elle n’exerce pas d’activité artistique, mais semble avoir été et être toujours très proche de vos amis artistes et être une véritable « cheville ouvrière » de la Fondation.

PS : La Fondation ne verrait pas le jour sans elle. Nous nous sommes mariés très jeunes. Étant mon épouse et amie de toujours, on a fréquenté les mêmes amis, les mêmes artistes. On a affronté les mêmes difficultés qu’on a toujours essayé de vaincre ensemble.

PLT : Nous avons, tous les trois, depuis deux ans, travaillé à la création du site de la Fondation, qui constitue sa vitrine à l’international, permet de créer des liens avec l’activité des artistes qui sont dans la collection, et donnera les actualités de la Fondation. Ce site (www.fundacio-stampfli.org) reflète, avant même l’ouverture des lieux et la première exposition de préfiguration, l’ampleur de votre engagement et de celui de la ville de Sitges.

PS : D’ores et déjà, ce site internet accompagne les premiers pas de ce musée d’art contemporain. Il présente les œuvres de la collection et fait le lien entre les artistes donateurs et leurs propres sites, ceux de leurs galeries, et leur actualité. Il est également conçu pour être accessible en plusieurs langues et offrir une vitrine internationale de notre action.

PLT : Ce qui est étonnant, lorsque l’on regarde la collection telle qu’elle est déjà constituée aujourd’hui, c’est qu’elle donne une vision des diverses tendances de l’art contemporain de ces cinquante dernières années.

PS : Oui, elle réunit aussi des artistes de plus de vingt et une nationalités et de différentes tendances qui sont représentatives de mon entourage, de ma vie de peintre et de sculpteur en Europe pendant quarante-cinq ans de ma vie. Des artistes de la Figuration narrative à Support/Surface ; de BMPT au Nouveau Réalisme ; du Surréalisme aux Objecteurs ; du Cinétisme à l’abstraction géométrique, et, plus récemment, des arts numériques. Il y a aussi des inclassables…

PLT : Pouvez-vous nous parler plus précisément de votre futur musée ?

PS : Le projet de rénovation des lieux, situés dans le quartier historique de Sitges, est en cours. Les différents bâtiments abriteront la collection. Le musée deviendra officiellement l’un des musées municipaux de la Ville de Sitges. Ce centre d’art contemporain international connaîtra certainement une réputation qui ira bien au-delà de la ville, de la région ou de la Catalogne.